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13 février 2023

Holdings et bénéficiaires effectifs : une évolution qui impose une vigilance accrue

Près de quatre ans après le séisme provoqué par les Danish cases rendus par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 26 février 2019, il est temps de jeter un regard en arrière afin d’évaluer les conséquences de ces secousses sur la fiscalité française des flux transfrontaliers, et particulièrement sur celle des dividendes dans le secteur immobilier. Il ressort de cette rétrospective que l’application de la notion de bénéficiaire effectif a non seulement révélé de nouvelles zones de risque pour les investisseurs internationaux, mais également permis d’entrevoir une lueur d’espoir dans la structuration des flux transfrontaliers.

Les dividendes versés à une société holding « relais » ne peuvent bénéficier ni de l’exonération de retenue à la source de la directive mère-fille, ni des taux réduits des conventions fiscales

L’actualité jurisprudentielle récente en matière de fiscalité internationale mérite bien un petit coup d’œil dans le rétroviseur. On y verrait, au loin, que la CJUE a lancé un pavé dans la mare en énonçant, dans ses fameux Danish cases, que « lorsque le bénéficiaire effectif d’un paiement de dividendes a sa résidence fiscale dans un Etat tiers, le refus de l’exonération prévue à l’article 5 de la Directive [mère-fille] n’est nullement soumis au constat d’une fraude ou d’un abus de droit » (point 113 des affaires jointes 116/16 et C-117/16).

Rappelons que la clause de bénéficiaire effectif, introduite dans le modèle de convention fiscale OCDE de 1977, était loin d’être inconnue des prétoires français. Mais elle n’avait jusqu’alors fait l’objet d’application que dans le cadre de redressements fondés sur la critique de montages abusifs. Ainsi, dans la fameuse affaire Bank of Scotland (CE, 29 décembre 2006, n° 283314), il avait été considéré qu’une banque britannique, ayant acquis auprès d’un résident américain l’usufruit temporaire d’actions de sociétés françaises dans le cadre d’un montage dont l’unique objet était d’obtenir un avantage conventionnel auquel le résident américain n’aurait pas été éligible, ne pouvait être considérée comme le bénéficiaire effectif des dividendes reçus. On était alors en mesure de considérer que cette notion de bénéficiaire effectif était intrinsèquement liée à celle de montage abusif, si bien qu’elle ne pouvait être mise en œuvre de manière autonome, dans un schéma qui ne caractériserait aucune forme d’abus ni de fraude. Pour priver une entité de son statut de bénéficiaire effectif, l’administration devait donc démontrer qu’elle était frauduleusement interposée, à défaut de quoi, cette entité pouvait bien faire ce qu’elle entendait des sommes reçues de source française.

En libérant la clause de bénéficiaire effectif de ce carcan de l’abus ou la fraude, la CJUE a posé les premières pierres d’un nouveau pan de potentiels contentieux. Il est en effet courant qu’une société holding, située à l’étranger pour fédérer des investisseurs internationaux, attribue les dividendes ou redevances reçus à ses actionnaires, d’une manière quasi-automatique. Ce faisant, elle s’expose à un risque de critique si elle venait à être considérée comme une société relais, non effectivement bénéficiaire des sommes reçues et reversées.

La notion de bénéficiaire effectif peut être mise en œuvre sans recourir à l’abus de droit ou à la fraude à la loi

Il a fallu peu de temps à l’administration fiscale française pour se saisir de ce nouvel outil mis à sa disposition par la CJUE. Ainsi, dès les derniers mois de l’année 2019, des investisseurs internationaux ayant structuré leur détention de sociétés immobilières françaises via des holding luxembourgeoises, ont reçu des propositions de rectification remettant en cause l’octroi des bénéfices de la directive mère-fille ou des avantages conventionnels en se fondant uniquement sur la clause de bénéficiaire effectif, sans invoquer un quelconque abus de droit. Mieux encore, l’administration est parvenue à sauver des redressements, précédemment engagés sur le fondement de l’ancienne clause anti-abus du régime mère-fille, prévue à l’article 119 ter du CGI et entretemps déclarée contraire au droit de l’Union, en y substituant la notion de bénéficiaire effectif (CE, 5 juin 2020, n° 423809, 423180, 423811 et 423812 – Société Eqiom et Société Enka).

A partir de l’année 2021, plusieurs décisions rendues par les juges administratifs ont confirmé la possibilité pour l’administration de se prévaloir de la notion de bénéficiaire effectif, sans qu’un abus de droit ou une fraude aient été invoqués, mais dans des contextes toujours marqués d’une certaine spécificité : telle la redistribution par une société, équivalent britannique de la SACEM, des redevances de droits d’auteur aux artistes qui l’avaient mandatée pour les collecter (CE, 5 février 2021, n° 430954 et 432845, Performing Rights Society) ; tel, encore, le reversement intégral par une société néerlandaise des redevances perçues d’une société française à la société propriétaire de la marque établie aux Iles Vierges Britanniques, puis au Panama (CE, 24 juin 2022, n° 459154, Meltex) ; tel enfin, plus récemment, dans une structuration d’un investissement immobilier français via deux holdings luxembourgeoises, où la Cour administrative d’appel de Paris a refusé l’application du régime mère-fille et de la convention fiscale franco-luxembourgeoise aux dividendes versés par la foncière française à la holding luxembourgeoise intermédiaire, celle-ci les ayant intégralement redistribués, le lendemain, à la holding luxembourgeoise de tête (CAA Paris, 7 décembre 2022, n° 21PA05986, Foncière Vélizy Rose).

Les holdings étrangères doivent avoir de la substance et une certaine autonomie quant à la gestion des dividendes qu’elles reçoivent

Cette saga jurisprudentielle encourage les investisseurs internationaux, ainsi que les établissements payeurs français de retenues à la source, à porter une attention particulière à la substance des sociétés holdings récipiendaires de flux transfrontaliers et à leur autonomie quant à la gestion de ces flux. En effet, une société holding sans substance qui reverserait systématiquement à ses actionnaires une grande majorité des flux financiers qu’elle reçoit (dividendes, redevances, intérêts) pourrait ne pas être reconnue comme le bénéficiaire effectif de ces sommes en application de la jurisprudence précitée (que ce reversement résulte d’une obligation contractuelle ou tout simplement de la pratique) et se voir, en conséquence, refuser le bénéfice la Directive mère-fille et des conventions fiscales.

Cette substance pourra être démontrée par un faisceau d’indices, constitués notamment par la détention d’un pouvoir de décision quant à la réattribution des flux financiers reçus (absence d’obligation juridique ou de caractère automatique des reversements), le réinvestissement des flux reçus dans la développement de l’activité de la société holding et de ses filiales, la disposition de locaux et de personnel ou, en présence de redevances, son implication dans le développement de la marque ou le réseau des franchisés (CAA Versailles, 8 février 2022, n° 19VE03571, SAS Meubles Ikea).

Il semble néanmoins possible d’appliquer la convention fiscale entre la France et le pays de résidence du bénéficiaire effectif des flux

Mais un bénéficiaire apparent ne cache pas nécessairement le bénéficiaire effectif et certaines décisions récentes ont laissé entrevoir une lueur d’espoir dans cet épineux contexte. En effet, par une décision Planet remarquée, le Conseil d’Etat a admis qu’en cas de redressement sur le fondement de la clause de bénéficiaire effectif, le contribuable puisse revendiquer l’application de la convention fiscale entre la France et le pays du véritable bénéficiaire des flux financiers (CE, 20 mai 2022, n° 444451). Cette position française n’est pas isolée ; elle a été récemment appliquée par la Cour suprême danoise dans une décision du 9 janvier 2023 (n° 69/2021, 79/2021 et 70/2021) rendue, justement, à la suite des Danish cases de la CJUE.

La possibilité de se prévaloir de la convention fiscale entre la France et le pays de résidence du bénéficiaire effectif des dividendes semble toutefois avoir quelques limites :

  • D’une part, la charge de la preuve pesant sur le contribuable qui souhaiterait invoquer ce moyen de défense est particulièrement lourde. Dans l’affaire Performing Rights Society, la Cour administrative d’appel de Versailles, saisie sur renvoi de la décision du Conseil d’Etat, n’a admis que de manière très limitée l’application d’une convention fiscale liant la France à l’Etat de résidence des bénéficiaires effectifs des redevances redistribuées par la société britannique (CAA Versailles, 15 novembre 2022, n° 21VE00439 et 21VE00440). Ainsi, il a été considéré que seul un artiste américain avait justifié sa résidence ; la production d’un tableau répartissant pays par pays les autres bénéficiaires, avec mention de leur nom et adresse, a été jugée insuffisante à défaut d’attestations de résidence fiscale. Or, d’un point de vue pratique, cette possibilité de revendiquer la convention applicable avec le véritable bénéficiaire effectif va particulièrement intéresser l’établissement payeur français. En effet, c’est lui qui est désormais confronté à la difficulté de s’assurer, soit que le récipiendaire des sommes n’est pas une simple société relais (mais comment le vérifier ?), soit que le véritable bénéficiaire effectif, auquel les dites sommes seront éventuellement redistribuées, est résident d’un Etat avec lequel existent des avantages conventionnels au moins équivalents. La tâche sera ardue.
  • D’autre part, et il s’agit cette fois d’un élément prospectif, on peut s’interroger sur la possibilité d’utiliser la notion de bénéficiaire effectif comme d’une arme à la disposition des contribuables: pour l’instant, en effet, les juges français et danois semblent avoir seulement permis à ces derniers de se prévaloir de la résidence du bénéficiaire effectif comme un moyen de défense pour minimiser le redressement infligé au bénéficiaire considéré comme apparent. Il serait intéressant de rechercher si la quête de transparence absolue, ouverte il y a quatre ans par la CJUE, pourrait conduire à autoriser les contribuables à réclamer d’eux-mêmes, lorsqu’ils y auront intérêt, le bénéfice d’un taux de retenue à la source plus avantageux (ou d’une exonération) applicable avec l’Etat où serait situé le véritable bénéficiaire effectif. La question reste ouverte.

La combinaison de la notion de bénéficiaire effectif et de la Directive ATAD III reste floue à ce stade

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’état du droit sur le traitement des holdings interposées dans une chaîne de flux transfrontaliers pourrait encore évoluer si le projet de Directive ATAD III sur les entités « coquilles » (ou « Shell Directive ») est finalement adoptée.

Cette directive prévoit en effet des critères de substance minimale que les sociétés établies au sein de l’UE devront satisfaire afin de ne pas être présumées constituer des sociétés-écrans. A défaut, elles pourraient se voir privées du bénéfice de la Directive mère-fille et des conventions fiscales.

La combinaison de la notion de bénéficiaire effectif et de la Directive ATAD III, dont les effets sont similaires en pratique, reste floue à ce stade.

Le Parlement européen a adopté le 17 janvier 2023 une résolution approuvant la proposition de directive de la Commission (avec certains amendements) et la date d’entrée en vigueur est toujours fixée à ce stade au 1er janvier 2024 (étant précisé que les critères de substance minimale seraient appréciés sur les deux dernières années).

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