Par un arrêt en date du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a harmonisé sa position avec un revirement de jurisprudence opéré par la troisième chambre civile en affirmant que la rétractation d’un promettant lié par une promesse unilatérale de vente régie par le droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 est inefficace et n’empêche donc pas, sauf stipulation contraire, la vente de se réaliser.
Au cas d’espèce, un promettant a consenti une promesse unilatérale de vente d’actions de société prévoyant que l’option pouvait être levée par le bénéficiaire dans les six mois à compter du jour de la tenue de l’assemblée générale approuvant les comptes clos de la cible au 31 décembre 2015. Le promettant a rétracté sa promesse le 8 mars 2016 et le bénéficiaire a néanmoins levé l’option le 28 juin 2016. Estimant la vente parfaite en raison de la levée d’option, le bénéficiaire a demandé à ce que soit ordonnée sa réalisation forcée.
En se fondant sur la jurisprudence rendue par la Cour de cassation sous l’empire des dispositions antérieures à l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, la Cour d’appel de Rennes a retenu « que, conformément au droit positif antérieur à la réforme, la levée de l’option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir », de telle sorte que la demande de réalisation forcée de la vente par le bénéficiaire devait être rejetée. Le bénéficiaire s’est alors pourvu en cassation.
Par un arrêt du 31 mars 2023 particulièrement motivé, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel compétente en rappelant notamment :
- que « à la différence de la simple offre de vente, la promesse unilatérale de vente est un contrat, préalable au contrat définitif, qui contient, outre le consentement du vendeur, les éléments essentiels du contrat définitif qui serviront à l’exercice de la faculté d’option du bénéficiaire et à la date duquel s’apprécient les conditions de validité de la vente, notamment s’agissant de la capacité du promettant à contracter et du pouvoir de disposer de son bien » ;
- que le législateur, aux termes de l’article 1124 alinéa 2 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, a modifié la sanction de la révocation illicite du promettant en prévoyant « que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis » ;
- que la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà opéré un revirement de sa jurisprudence en la matière en considérant que, sauf stipulation contraire, le promettant d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès la signature de la promesse et ne peut donc se rétracter, et ce même si cette rétractation était exprimée avant l’ouverture du délai octroyé au bénéficiaire de la promesse pour lever l’option ( 3ème civ., 23 juin 2021, n°20-17.554 ; Cass. 3ème civ., 20 octobre 2021, n° 20-18.514).
Au vu de ce qui précède, la Haute juridiction poursuit en indiquant « qu’il apparaît nécessaire, compte tenu de l’évolution du droit des obligations, de modifier la jurisprudence de la Cour pour juger, désormais, que le promettant signataire d’une promesse unilatérale de vente s’oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l’ouverture du délai d’option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire. »
En conséquence, la Cour de cassation considère qu’il y a lieu d’appliquer à une telle promesse le principe dégagé par la troisième chambre civile et désormais repris par la lettre de l’article 1124 alinéa 2 du Code civil, selon lequel « la révocation de la promesse avant l’expiration du temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».