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6 juin 2024

Requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial : la fraude suspend le délai de prescription

Par un arrêt du 30 mai 2024, la Cour de cassation fait application de l’adage fraus omnia corrumpit en rappelant l’incidence de la fraude sur le délai de prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce.

En l’espèce, les propriétaires d’un local commercial ont conclu successivement trois baux dérogatoires avec une personne physique puis deux personnes morales détenues et représentées par ladite personne physique. Les bailleurs ont ensuite délivré un congé aux fins de quitter les lieux, une sommation de déguerpir puis une assignation en référé aux fins d’expulsion.

Invoquant une fraude des bailleurs, les preneurs ont assignés en reconnaissance d’un bail commercial et en indemnisation de leur préjudice.

La Cour d’appel a déclaré les demandes des preneurs prescrites au motif que l’assignation des preneurs est intervenue « plus de cinq ans » après la conclusion des deux premiers baux.

Les preneurs font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes alors que la fraude suspend le délai de prescription et que la Cour n’a pas recherché si le troisième bail, dans la continuité du bail précédent frauduleux, n’était pas lui-même entaché de fraude.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

La Cour rappelle d’abord les dispositions de l’article L.145-5 du Code de commerce au titre duquel les parties peuvent déroger au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans. Si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession des locaux il s’opère un nouveau bail commercial. La Cour rappelle ensuite le principe selon lequel la fraude corrompt tout et qu’il résulte de la combinaison de ce principe et de l’article L. 145-60 du Code de commerce que la fraude suspend le délai de prescription biennale de deux ans applicable aux actions au titre d’un bail commercial. La Cour de cassation retient donc que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas si la fraude dont l’existence était invoquée n’était pas de nature à suspendre le délai de prescription.

Cass. , 3ème Civ. , 30 mai 2024, n° 23-10.184

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