14 avril 2025
Contentieux des refus d’autorisations d’urbanisme et prescriptions spéciales : les précisions du Conseil d’Etat
Dans un avis contentieux très attendu du 11 avril 2025, le Conseil d’Etat a examiné la question suivante :
Le pétitionnaire dont l’autorisation d’urbanisme (PC ou DP) est refusée peut-il se prévaloir, dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir, de ce que l’autorité compétente aurait pu ou dû lui délivrer cette autorisation en l'assortissant de prescriptions (en dehors de toutes dispositions législatives et réglementaires prévoyant cette possibilité) ?
Pour mémoire, il résulte des dispositions des articles L. 424-1 (1er alinéa), L. 421-6 et L. 421-7 du code de l’urbanisme qu'il revient à l'autorité compétente de s'assurer de la conformité des projets aux règles d’urbanisme et de n'autoriser que des projets qui y soient conformes.
Le Conseil d’Etat rappelle que :
- le pétitionnaire peut apporter à son projet (non-conforme), pendant la phase d'instruction de sa demande et avant l'intervention d'une décision, des modifications qui n'en changent pas la nature, afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié (CE 1er décembre 2023, n° 448905; v. notre article de blog) ;
- l'autorité compétente dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté d'accorder le PC ou de ne pas s'opposer à la DP en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d'un nouveau projet, ont pour effet d'assurer la conformité des travaux aux dispositions dont elle est chargée d’assurer le respect.
La Haute-Juridiction estime ainsi que le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de PC ou d'opposition à DP ne peut exiger que l'autorité compétente lui délivre l'autorisation sollicitée en l'assortissant de prescriptions spéciales.
Le fichage de l’avis (« Ab. jur. ») indique même que la jurisprudence Deville – imposant à l'administration de rechercher s'il est possible d'autoriser, en l'assortissant de prescriptions complémentaires, un projet de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique – est abandonnée (CE 26 juin 2019, n° 412429).
Cet avis contentieux confirme que toute non-conformité, même mineure, peut in fine entrainer le refus de l’autorisation d’urbanisme sollicitée. Il écarte donc – contrairement à ce que les porteurs de projet attendaient – la reconnaissance d’une obligation à la charge de l’autorité administrative de régulariser la demande en cours d’instruction lorsque c’est possible sans dénaturer le projet concerné. Une telle avancée aurait pourtant permis d’anticiper sur la fonction régulatrice du juge, et donc de renforcer les droits des opérateurs dans un contexte où le soutien à la construction s’avère décisif. Avis au législateur !