14 février 2025

Conflit de demandes de résiliation du bail commercial : de l’importance du choix du mode, du motif et de la date d’effet de la résiliation

Par un arrêt en date du 6 février 2025, la Cour de cassation a rappelé un principe simple : un bail commercial dont la résiliation est acquise ne peut être à nouveau résilié. Les conséquences définitives résultant de ce principe peuvent toutefois être anticipées en procédant à un examen minutieux, si ce n’est stratégique, du choix dans le mode de résiliation (acquisition de la clause résolutoire ou résiliation judiciaire), le motif et la date d’effet de la résiliation.  

Au cas particulier, un incendie survenu le 3 août 2017, causé par une avarie électrique, a partiellement endommagé des locaux à usage de restaurant loués aux termes d’un bail commercial du 1er mars 2005.

Le preneur a assigné les bailleurs par acte du 29 novembre 2017 aux fins d'obtenir leur condamnation à réparer et à mettre en conformité l'installation électrique et à lui indemniser les préjudices résultant de l'incendie. Les bailleurs ont fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Le locataire a assigné les bailleurs par acte du 28 décembre 2017 aux fins d’opposition au commandement de payer. Le locataire a sollicité en appel la résiliation judiciaire du bail à la date à laquelle le Tribunal statuerait aux torts des bailleurs pour manquement à leur obligation de délivrance.

Les juges du fond ont constaté la résiliation du bail à effet du 7 janvier 2018, soit un mois après l’envoi par les bailleurs du commandement de payer visant la clause résolutoire demeuré infructueux. Le locataire s’est pourvu en cassation. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en énonçant que « un bail dont la résiliation est acquise ne pouvant être à nouveau résilié, la cour d'appel, à laquelle la locataire ne demandait de ne prononcer la résiliation du bail qu'à la date à laquelle elle rendrait sa décision, et qui a constaté la résiliation, au 7 janvier 2018, soit à une date antérieure, de ce même bail liant les parties par l'effet de la clause résolutoire qui y était insérée, a, à bon droit et abstraction faite du motif surabondant visé par la seconde branche, rejeté cette demande. »

Contrairement à la date d’effet de la résolution qui est encadrée par les dispositions de l’article 1229 du Code civil, la date d’effet de la résiliation judiciaire n’est pas encadrée légalement. Elle est donc laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond qui retiennent en principe que la résiliation prend effet au jour de la décision qui la prononce. Par exception, la résiliation peut rétroagir à une date antérieure lorsque l’une des parties n’a pas ou a mal exécuté ses obligations (Cass. 3ème civ., 30 avril 2003, n° 01-14.890 ; Cass. 3ème civ., 13 juillet 2005 ; Cass. 3ème civ., 1er octobre 2008, n° 07-15.338 ; Cass. 3ème civ., 8 juin 2017, n° 15-26.208), certains juges requalifiant alors la résiliation en résolution.

La résiliation successive étant donc dépourvue de toute efficacité, il est recommandé, pour toute demande en résiliation d’un bail commercial, de prêter une attention particulière au choix de la date d’effet de la résiliation. Ce choix est conditionné par le mode et/ou le motif de résiliation du bail : à la date d’inexécution de l’obligation par son cocontractant en cas de résiliation pour manquement à son obligation contractuelle, à la date à laquelle le juge statuera sur la demande à défaut de manquement imputable à son cocontractant et/ou à défaut d’indication par le demandeur ou un mois après l’envoi du commandement de payer visant la clause résolutoire en cas de constat d’acquisition de la clause résolutoire du bail.

Enfin, s’agissant au cas particulier d’un incendie, la solution aurait pu être toute différente en cas de destruction totale des locaux en raison de l’incendie (article 1722 du Code civil), le bail devant dans ce cas être résilié à la date de destruction des locaux.

Cass. , 3ème Civ. , 6 février 2025, n° 23-17.922

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