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30 juin 2022

Covid-19 et loyers : la Cour de cassation tranche en faveur des bailleurs

Lors de son audience des 14 et 15 juin 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait examiné trois pourvois portant sur la suspension du paiement de leur loyer par des commerçants, pendant l’état d’urgence sanitaire.

Les questions qui lui ont été posées sont les suivantes :

  1. Les mesures prises par les autorités publiques écartent-elles le droit commun de la relation contractuelle ?
  2. L’interdiction de recevoir du public constitue-t-elle :
    •  – un cas de force majeure invocable par le locataire ?
    • – un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le locataire se prévale du mécanisme de l’exception d’inexécution ?
    • – une perte de la chose louée, au sens de l’article 1722 du code civil, permettant au locataire de solliciter une réduction du montant des loyers dus ?

La Cour de cassation a rendu ses décisions sur ces trois pourvois le 30 juin 2022 et confirme que l’obligation de paiement des loyers n’est ni suspendue, ni neutralisée pendant le confinement.

Dans son communiqué de presse du 30 juin 2022, la Haute Juridiction indique en effet que « la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers ».

Elle livre par ailleurs sa position sur certains des fondements juridiques invoqués par les preneurs pour tenter de se soustraire à l’obligation de paiement des loyers pendant les périodes de fermetures administratives, comme résumé ci-après.

SUR LA PERTE DE LA CHOSE LOUÉE

L’article 1722 du Code civil dispose que « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement ».

Suivant la Cour de cassation, « l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil.

En effet, cette interdiction :

    • – était générale et temporaire ;
    • – avait pour seul objectif de préserver la santé publique ;
    • – était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.

Les commerçants n’étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer ».

SUR L’OBLIGATION DE DÉLIVRANCE

L’article 1719 du Code civil dispose que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée […]
2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ;
3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail […] ».

Suivant la Cour de cassation, « la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.


Dès lors, les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers. »

SUR LA FORCE MAJEURE

L’article 1218 du Code civil dispose qu’ « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 [du Code civil] ».

Suivant la Cour de cassation, « il résulte de l’article 1218 du code civil que le créancier qui n’a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

Dès lors, la cour d’appel a exactement retenu que le locataire, créancier de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure ».

SUR LA BONNE FOI

L’article 1104 du Code civil dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public ».

Dans l’un des arrêts rendus ce jour (Cass. civ. 3ème, 30 juin 2022, n° 21-20.90) portant sur une affaire où le bailleur « avait pratiqué trois semaines seulement après la fin du confinement une mesure d’exécution forcée à l’encontre de son débiteur pour obtenir le paiement des loyers échus pendant la fermeture des locaux et ce, sans tentative préalable de renégociation du contrat pour l’adapter aux circonstances, autre qu’une proposition de report d’un mois de loyer sous la forme d’un commandement de payer », la Cour de cassation approuve la cour d’appel qui, après avoir constaté que ledit bailleur avait vainement proposé de différer le règlement du loyer d’avril 2020, « en a souverainement déduit que [ce dernier] avait tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi ».

 

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