19 mai 2025
Loi DDADUE : quelles nouvelles obligations de performance énergétique pour les entreprises et les porteurs de projets ?
L’article 25 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (dite loi « DDADUE ») introduit plusieurs mesures de performance énergétique issues du droit de l’Union européenne et impactant de nombreux secteurs. Ces mesures concernent notamment l’évaluation de la prise en compte de l’efficacité énergétique dans les projets d’envergure, les audits énergétiques, les analyses coûts-avantages, mais également les data centers auxquels nous avons consacrés une précédente analyse .
- Evaluation proportionnée de la bonne prise en compte de l’efficacité énergétique dans les décisions en matière de planification, de politique et de projet
L’article 3 de la directive efficacité énergétique 2023/1791 du 13 septembre 2023 (dite « DEE ») révisée introduit le « principe de primauté de l’efficacité énergétique » qui vise à mieux prendre en compte l’efficacité énergétique dans les mesures politiques, les décisions de planifications ou dans les projets.
L’article 25 de la loi DDADUE introduit ainsi le dispositif d’ « évaluation proportionnée aux enjeux de consommation énergétique » visant à la « prise en compte des solutions en matière d’efficacité et de sobriété énergétiques » dans le dispositif existant de l’évaluation environnementale et prévoit donc :
- une modification du 3° du III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement afin de préciser que l’évaluation environnementale des projets permet également de décrire et d'apprécier de manière appropriée les incidences notables directes et indirectes d'un projet sur la consommation énergétique ;
- une modification du I de l’article L. 122-6 du code de l’environnement afin de préciser que le rapport sur les incidences environnementales des plans et des programmes identifie, décrit et évalue également les effets notables d’un plan ou du programme sur la consommation d’énergie ;
- une modification du chapitre unique du titre Ier du livre II du code de l’énergie pour créer l’article L. 211-10 qui impose aux projets représentant un montant d’investissement supérieur à 100 millions d’euros (montant porté à 175 millions d’euros s’agissant des projets d’infrastructures de transport) d’être précédés par une évaluation de l’efficacité et de la sobriété énergétiques. Cet article prévoit que cette évaluation est réalisée, pour les projets soumis à évaluation environnementale, dans le cadre de celle-ci.
L’inscription du dispositif dans l’évaluation environnementale est justifiée par la volonté du législateur d’une part, de ne pas créer un nouveau dispositif d’évaluation parallèle, et d’autre part, de ne pas alourdir la charge administrative des porteurs de projets[1].
De nombreux secteurs économiques sont concernés par l’évaluation de l’impact des projets en matière de consommation d’énergie. Selon l’article 3 de la directive DEE, sont concernés les secteurs suivants :
- « les systèmes énergétiques » ; et
- « les secteurs non énergétiques, lorsqu’ils ont une incidence sur la consommation d’énergie et l’efficacité énergétique, tels que les secteurs du bâtiment, des transports, de l’eau, des technologies de l’information et de la communication (TIC) et de l’agriculture ainsi que le secteur financier ».
Ces modifications entreront en vigueur le 1er octobre 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE).
II. Audits énergétiques pour les entreprises, système énergétique de l’énergie et déclaration des consommations d’énergie des entreprises
Pour rappel, la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable avait créé les articles L. 233-1, L. 233-2 et L. 233-3 du code de l’énergie afin de transposer l’article 8 de la directive efficacité énergétique publiée en 2012 prévoyant l’obligation pour les grandes entreprises de réaliser un audit énergétique.
L’article 11 de la directive DEE révisée modifie la liste des entreprises soumises à l’obligation de réaliser un audit énergétique ou à mettre en place un système de management de l’énergie, par des nouveaux critères établis sur la base de la consommation d’énergie de ces entreprises.
L’article 25 de la loi DDADUE modifie l’article L. 233-1 du code de l’énergie afin d’adapter le droit interne aux modifications effectuées par l’article 11 de la directive DEE révisée.
Ces modifications entreront en vigueur le 1er octobre 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE). Toutefois, un décret et un arrêté du ministre chargé de l'énergie devront venir préciser les modalités d’application de ces modifications.
a. L’obligation de réaliser un audit énergétique ou de mise en œuvre d’un système de management de l’énergie
Le I de l’article L. 233-1 du code de l’énergie prévoit ainsi que les entreprises :
- mettent en œuvre un système de management de l’énergie lorsque leur consommation annuelle moyenne d’énergie finale est supérieure ou égale à 23,6 GWh ;
- réalisent, tous les quatre ans, un audit énergétique des activités exercées par elles en France lorsque leur consommation annuelle moyenne d’énergie finale est supérieure ou égale à 2,75 GWh et qu’elles n’ont pas mis en œuvre de système de management de l’énergie.
En ce qui concerne le calendrier, l’article 25 VII. de la loi DDADUE prévoit que :
- les entreprises soumises à l’obligation de mise en œuvre d’un système de management de l’énergie doivent disposer d’un tel système certifié au plus tard le 11 octobre 2027 ;
- les entreprises soumises à l’obligation de réaliser un audit énergétique doivent réaliser leur premier audit énergétique au plus tard le 11 octobre 2026 ;
- les entreprises qui entrent dans le champ de ces obligations (système de mangement de l’énergie certifié / audit énergétique) après les deux dates mentionnées ci-dessus s'y soumettent dans l'année suivant les trois dernières années civiles au cours desquelles la moyenne de leur consommation d'énergie finale a été supérieure à l'un des seuils.
Le système de management de l’énergie doit toujours être certifié par un organisme de certification accrédité par un organisme d'accréditation signataire de l'accord de reconnaissance multilatéral établi par la coordination européenne des organismes d'accréditation. L’audit énergétique doit également satisfaire des critères définis par voie réglementaire et être établi de manière indépendante par des auditeurs reconnus compétents.
Ensuite, le II de l’article L. 233-1 du code précité impose que ces entreprises élaborent un plan d’action sur la base des recommandations découlant de l’audit énergétique ou du système de management de l’énergie, qui devra être publié dans le rapport annuel de l’entreprise en précisant le taux d’exécution des mesures du plan d’action. Ce plan d’action devra également être mis à la disposition du public, dans le respect du secret des affaires.
Enfin, son paragraphe III prévoit la transmission des informations relatives à la mise en œuvre de ces obligations, dans un délai de deux mois suivant la certification du système de management de l’énergie ou de la réalisation de l’audit.
b. L’obligation de déclaration de la consommation annuelle d’énergie finale
La loi DDADUE modifie également l’article L. 233-2 du code de l’énergie afin que les entreprises soumises à l’obligation de réaliser un audit énergétique ou de mettre en œuvre un système de management de l’énergie déclarent leur consommation annuelle d’énergie finale.
c. Dérogations
L’article 25 de la loi DDADUE modifie l’article L. 233-3 afin de pouvoir réglementer les dérogations aux obligation de mise en œuvre d’un système de management de l’énergie ou d’un audit énergétique.
III. Evaluations coûts-avantages de nouvelles installations ou de leur modification substantielle
L’article 26 de la directive DEE impose qu’une étude coût-avantages soit réalisée pour des installations dépassant certains seuils afin d’étudier la faisabilité économique d’améliorer l’efficacité énergétique de l’approvisionnement en chaleur et en froid.
Pour rappel, l’article D. 181-15-2 du code de l’environnement impose déjà à certaines catégories d’installations d’une puissance supérieure à 20 MW que leur dossier de demande d’autorisation environnementale comporte une analyse coûts-avantages de ce type, et ce afin d'évaluer l'opportunité de valoriser de la chaleur fatale notamment à travers un réseau de chaleur ou de froid.
Toutefois, le champ de la DEE révisée est plus large.
L’article 25 de la loi DDADUE complète donc le code de l’énergie en ajoutant un article L. 233-5 qui prévoit qu’une telle étude soit réalisée pour les nouveaux projets ou les modifications substantielles des installations suivantes :
- Les installations de production d'électricité thermique dont la puissance est supérieure à 10 MW ;
- Les installations industrielles dont la puissance est supérieure à 8 MW ;
- Les installations de service dont la puissance est supérieure à 7 MW ;
- Les centres de données dont la puissance est supérieure à 1 MW.
Il est prévu qu’un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application, notamment les caractéristiques des installations concernées, les modalités de dérogation à l’obligation d’évaluation ainsi que le contenu, le format et les modalités de transmission de l’analyse.
Cette nouvelle obligation entrera en vigueur le 1er octobre 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE), mais devra être précisée – comme évoqué ci-dessus – par un décret d’application.
[1] Etude d’impact de la loi DDADUE, p. 330.