18 novembre 2025
Bail commercial : la clause résolutoire prévoyant un délai inférieur à un mois après un commandement demeuré infructueux doit être réputée non écrite
Par un arrêt rendu le 6 novembre 2025, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'une clause résolutoire insérée dans un bail commercial prévoyant un délai inférieur à un mois après commandement resté infructueux fait échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 145-41 du Code de commerce et doit être réputée non écrite en application de l'article L. 145-15 du même Code, si le bail était en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi "Pinel").
En l'espèce, un bailleur a délivré à son preneur à bail commercial, le 5 juillet 2013, une sommation de se mettre en conformité, dans un délai d'un mois, aux clauses du bail interdisant de procéder à des travaux et aménagements dans les locaux loués sans l'autorisation écrite du bailleur.
Ce commandement visait la clause résolutoire insérée au bail commercial, laquelle mentionnait un délai de quinze jours. Or, pour mémoire, l'article L.145-41, alinéa 1er du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.
Le 17 septembre 2013, le bailleur a refusé le renouvellement du bail sollicité par le preneur le 19 juin 2013, sans offre de paiement d'une indemnité d'éviction. Le 15 septembre 2015, le preneur a assigné le bailleur en paiement de l'indemnité d'éviction, lequel a demandé, à titre reconventionnel, la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
La Cour d'appel compétente a fait droit à la demande du bailleur et constaté la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 5 août 2013, c'est-à-dire à l'expiration du délai d'un mois suivant le commandement visant la clause résolutoire.
Pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt constate que le commandement a été délivré avant l'entrée en vigueur de la loi "Pinel" et en déduit que seule la nullité de la clause du bail prévoyant un délai de quinze jours était encourue aux termes de la législation alors en vigueur et que la sanction du réputé non écrit instaurée par cette loi à l'article L. 145-15 du code de commerce n'est pas applicable
Le preneur s'est alors pourvu en cassation, en soutenant que la nouvelle rédaction de l'article L.145-15 du Code de commerce issue de la loi "Pinel" est applicable aux baux en cours lorsque l'instance a été introduite après l'entrée en vigueur de cette loi.
La Cour de cassation a, au visa des articles L.145-15 et L.145-41 du Code de commerce, fait droit à l'argumentation du preneur et a cassé partiellement l'arrêt d'appel litigieux aux motifs que :
- l'article L.145-41, alinéa 1er du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant sa résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux et que tout commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ;
- selon l'article L.145-15 du Code de commerce (tel que modifié par la loi "Pinel"), sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont notamment pour effet de faire échec aux dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce ; étant observé que la "loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées" ;
- une clause résolutoire insérée dans un bail commercial prévoyant un délai inférieur à un mois après un commandement demeuré infructueux a pour effet de faire échec aux dispositions d'ordre public de l'article L. 145-41 du Code de commerce et doit être réputée non écrite si le bail est en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi "Pinel".
Selon la Cour de cassation, "dès lors que l'instance (qui avait pour objet de faire constater l'acquisition d'une clause résolutoire dont la validité est contestée au regard de cette loi) est en cours, les effets du commandement délivré au visa de cette clause ne sont pas définitivement réalisés". En conséquence, "la validité de la clause doit être appréciée au regard de cette loi nouvelle".