13 novembre 2025
Clause résolutoire d’un bail d’habitation : les règles de calcul du délai de notification de l’assignation précisées
Par un avis du 6 novembre 2025 publié au Bulletin, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation précise les règles de calcul du délai de notification de l'assignation délivrée par le bailleur en constatation d’acquisition de la clause résolutoire d'un bail d'habitation, mettant ainsi fin à une incertitude qui persistait depuis plusieurs années.
La Cour de cassation s'est prononcée sur la demande d'avis soumise par le juge des contentieux de la protection de Sucy-en-Brie, concernant le calcul des délais de notification au représentant de l'Etat de l'assignation en constatation d’acquisition de la clause résolutoire d'un bail d'habitation. La question était d'autant plus importante que la méconnaissance de ce délai constitue un motif d'irrecevabilité de l'assignation.
Pour rappel :
- dans le cadre du contentieux de la clause résolutoire du bail d'habitation, la loi du 29 juillet 1998 avait intégré une formalité à peine d’irrecevabilité de la demande : l'assignation devait être notifiée au représentant de l’Etat, au moins deux mois avant l’audience. Ce délai avait été ajouté aux fins de protection du locataire, dès lors qu'il permettait au représentant de l’Etat de disposer d’un délai suffisant pour mettre au point les aides susceptibles d'être apportées au preneur ;
- la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023 a réduit ce délai de notification à six semaines, le législateur recherchant une accélération globale des procédures contentieuses locatives. Ainsi, l'article 24 III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée dispose : "A peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence du commissaire de justice au représentant de l'Etat dans le département, au moins six semaines avant l'audience (...) ".
Cependant, les articles 640 et 641 du Code de procédure civile, qui fixent les règles applicables en matière de computation des délais, n'envisagent que les seules hypothèses des jours et des mois (et non pas des semaines).
Exprimée en semaines, comme c'est le cas depuis la loi du 27 juillet 2023, la computation du délai de notification au représentant de l’Etat ne relève pas des dispositions des articles 640 et suivants du code de procédure civile. Cette difficulté avait d'ailleurs été relevé par certains commentateurs de cette loi[1] mais également dans le cadre des auditions menées par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale pour l’établissement de son rapport sur la mise en application de cette loi[2]. De fait, plusieurs juridictions du fond ont eu à connaître de cette question depuis 2023, comme cela est relevé dans le rapport préparatoire soumis à la Haute Juridiction.
La Cour de cassation s'est emparée de cette question (contre l'avis de l'avocate générale, qui avait considéré la demande d'avis irrecevable pour divers motifs) et lui a donné une forte importance en publiant son avis au Bulletin :
- le délai de six semaines de notification au représentant de l’Etat correspond à une période de 42 jours continus, calculée "en remontant dans le temps" à compter de la veille de l’audience (calcul à rebours), qui "expire le 42ème jour à heure 0".
Pour exemple, dans le cas d'espèce, en comptant à rebours à compter du 11 mai 2025 (veille de l'audience), le 42ème jour correspondait au lundi 31 mars 2025 à 0 heures. Une notification réalisée avant cette date est donc valable et ne constitue pas un motif d'irrecevabilité de la demande de résolution du bail par constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.
Les juridictions ne sont pas tenues de suivre les avis de la Cour de cassation. Néanmoins, ceux-ci permettent de connaître la position de la Haute Juridiction sur la question posée et leur autorité morale est telle qu’ils sont généralement suivis, contribuant ainsi à l’harmonisation de la jurisprudence.
Cass. , 3ème Civ. , 6 novembre 2025, n° 25-70.018
[1] M. Lotte et C. Vales, La loi du 27 juillet 2023 – Approche et aspects pratiques par les commissaires de justice des nouvelles dispositions relatives à la protection du logement contre les occupations illicites, RLDC 2023, n°220, p. 21.
[2] Rapport d'information déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement, par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l'occupation illicite (Mme Caroline Yadan et M. Frédéric Falcon), n° 2624.