19 mai 2025
Loi DDADUE : nouvelles obligations de performance énergétique pour les data centers : création d’un cadre dédié, information du public et chaleur fatale
Les data centers présentent des enjeux énergétiques majeurs, aussi bien par leur forte consommation d’électricité – indispensable au fonctionnement des serveurs et à leur refroidissement – que par le potentiel de valorisation de l’énergie perdue avec la chaleur générée par les installations. Ces projets se multipliant, leur performance énergétique se doit dès lors d’être évaluée. A ce titre, l’article 25 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (dite loi « DDADUE ») permet d’assurer l’effectivité des obligations des propriétaires et exploitants des centres de données prévues par le droit de l’Union européenne en matière de performance énergétique.
- Création d’un cadre dédié à la performance énergétique des datas centers
A titre liminaire, la notion de data center est désormais définie dans le code de l’énergie comme « une structure ou un groupe de structures servant à héberger, à connecter et à exploiter des systèmes ou des serveurs informatiques et du matériel connexe pour le stockage, le traitement ou la distribution des données ainsi que pour les activités connexes »[1].
Ensuite, la loi DDADUE ajoute après le chapitre V du Titre III du Livre II du code de l’énergie un chapitre VI intitulé « La performance énergétique des centres de données » comprenant les nouveaux articles L. 236-1 à L. 236-3.
- Obligation de mise à disposition du public des informations relatives à la performance énergétique des centres de données
La loi DDADUE met en conformité le droit interne avec la version révisée de la directive DEE publiée le 20 septembre 2023 en introduisant cette obligation à l’article L. 236-1 du code de l’énergie.
a. Champ d’application
L’article L. 236-1 du code de l’énergie précise que les dispositions s’appliquent à tous les centres de données, notamment ceux hébergés par les entreprises, les banques ou les centres de recherche, à l’exception des centres de données :
- des opérateurs exploitants des centres de données dits « d’importance vitale » visés par les articles L. 1332-1 ou L. 1332-2 du code de la défense[2];
- utilisé par les forces armées ou par la protection civile ou qui fournissent leurs services exclusivement à des fins relevant de la défense ou de la protection civile.
Pour les opérateurs de centres de données du secteur du numérique, l’impact de la loi DDADUE ne sera pas significatif, car ils sont déjà soumis à l’obligation de fournir des informations à l’ARCEP. Pour rappel, sur le fondement des articles L. 32-1, L. 33-1, L36-6, L. 36-7, L. 135 et D. 295 du code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP est chargée de collecter les données environnementales des opérateurs de centres de données.
En revanche, les autres centres de données appartenant à des structures dont l’objet n’est pas « numérique » (banques, centres de recherche, entreprises) sont désormais soumis à des nouvelles obligations puisque ces données des opérateurs ne sont pas collectées par l’ARCEP.
b. Contenu de l’obligation
Pour les centres de données dont la puissance installée est supérieure ou égale à 500 kW, les informations administratives, environnementales et énergétiques relatives à leur exploitation devront faire l’objet d’une transmission sur une plateforme numérique mise en place par la Commission européenne.
L’article L. 236-1 prévoit la mise à disposition du public des données administratives, environnementales et énergétiques relatives à leur activité.
Il précise que les modalités d’application seront fixées par voie réglementaire, notamment en ce qui concerne la transmission des données sur la plateforme et les données mises à disposition du public.
En outre, il indique qu’un arrêté ministériel pourra fixer les modalités d’application, de construction et d’exploitation des centres de données.
c. Calendrier
Le nouvel article L. 236-1 du code de l’énergie est entré en vigueur au lendemain de la publication de la loi DDADUE, soit le 3 mai 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE). Néanmoins, il faudra attendre la publication du décret annoncé pour avoir les modalités d’application de cet article.
- Obligation de valorisation de la chaleur fatale produite
Concernant les centres de données dont la puissance est supérieure à 1 MW, la directive DEE impose que ces centres de données utilisent efficacement la chaleur fatale qu’ils génèrent.
La loi DDADUE ajoute donc un article L. 236-2 prévoyant que « les centres de données dont la puissance installée est supérieure ou égale à 1 mégawatt valorisent la chaleur fatale qu'ils produisent ».
Il est précisé que les modalités d’application de cet article, notamment la définition des exigences de valorisation de la chaleur fatale produite par les centres de données ainsi que les conditions et les modalités de dérogation à cette obligation, seront définies par décret en Conseil d’Etat. La directive DEE prévoit par exemple qu’une telle obligation n’est pas applicable dans le cas où il est démontré que la valorisation n’est pas techniquement ou économiquement faisable, on peut donc imaginer que cette exception figurera dans le futur décret.
Les centres de données générant une quantité importante de chaleur fatale, cette nouvelle obligation constitue un levier important d’amélioration de la performance énergétique des sites industriels et tertiaires.
Cette nouvelle obligation entrera en vigueur le 1er octobre 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE), mais il faudra attendre la publication du décret annoncé pour en obtenir les modalités d’application.
- Sanction pour méconnaissance des obligations
L’article 25 de la loi DDADUE insère un nouvel article L. 236-3 dans le code de l’énergie qui prévoit la création d’un mécanisme de sanction pour les centres de données qui ne respecteraient pas les obligations précitées.
L’autorité administrative peut ainsi mettre publiquement en demeure le centre de données de se conformer à ses obligations dans un délai maximum d’un an. Si le centre de données ne se conforme pas à cette mise en demeure, l’autorité administrative peut lui infliger une amende dont le montant maximal est fixé à 50 000 euros par centre de données. Enfin, la sanction peut être publiée sur internet pendant une durée de 2 mois à 5 ans.
Un décret en Conseil d’Etat déterminera les modalités d’application de ce mécanisme de sanction.
Le nouvel article L. 236-3 du code de l’énergie entrera en vigueur le 1er octobre 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE), sous la réserve de la publication du décret déterminant ses modalités d’applications.
- Analyse coûts-avantages
L’article 25 de la loi DDADUE prévoit que lors de tout projet de création ou de modification d’ampleur d’un centre de données dont la puissance est supérieure à 1 MW, l’exploitant doit réaliser au préalable une analyse coûts-avantages de la faisabilité économique d’améliorer l’efficacité énergétique de l’approvisionnement en chaleur et en froid[3].
Cette nouvelle obligation entrera en vigueur le 1er octobre 2025 (article 25, VI. de la loi DDADUE). Néanmoins, il faudra attendre la publication du décret annoncé pour avoir les modalités de réalisation de cette obligation.
Jusque lors, en application des dispositions du code de l’environnement, seules les installations d'une puissance thermique supérieure à 20 MW générant de la chaleur fatale non valorisée à un niveau de température utile[4] étaient concernées par une obligation de joindre une analyse coûts-avantages à la demande d’autorisation environnementale[5], afin d'évaluer l'opportunité de valoriser de la chaleur fatale notamment à travers un réseau de chaleur ou de froid[6].
[1] Article L. 236-1 I du code de l’énergie tel qu’issu de la loi DDADUE.
[2] Il s’agit des installations « dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation », mais également au cas par cas de certaines installations classées pour la protection de l’environnement et installations nucléaires de base « quand la destruction ou l'avarie de certaines installations de ces établissements peut présenter un danger grave pour la population ».
[3] Article L. 233-5 du code de l’énergie.
[4] Et également les installations faisant partie d'un réseau de chaleur ou de froid.
[5] Article D. 181-15-2 du code de l’environnement. Il existe la même obligation concernant les demandes d’enregistrement à l’article R. 512-46-4 du code de l’environnement.
[6] L’arrêté du 9 décembre 2014 précisant le contenu de l'analyse coûts-avantages pour évaluer l'opportunité de valoriser de la chaleur fatale à travers un réseau de chaleur ou de froid ainsi que les catégories d'installations visées est venu définir les installations concernées ainsi que les modalités de réalisation de l'analyse coûts-avantages.